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bien vous apprendre que je m’appelle Epiphane Rousselot de Porlazou, noble homme, chevalier de Saint-Louis, et je prends la liberté de vous faire remarquer qu’il n’est pas très prudent de votre part — outre l’inconvenance manifeste — de choisir un jour comme celui-ci pour brailler la Marseillaise par les rues, quand les lys viennent d’être restaurés et que le drapeau de la légitimité flotte, pour la première fois depuis quarante-trois ans, dans le ciel de notre malheureuse patrie…

— Il l’avoue ! Il l’avoue ! hurla triomphalement Rivoalan… Pardieu ! citoyens, ce n’est pas moi qui le lui ai fait dire. Vous l’avez tous entendu : ce suppôt de la légitimité confesse que c’est lui qui a fait enlever du Baly le glorieux drapeau tricolore de la Révolution !… Trop débile ou trop lâche pour l’enlever lui-même, il se vante publiquement d’avoir suborné à prix d’or de malheureux artisans pour accomplir à sa place cette œuvre d’obscurantisme et de réaction ! Son cynisme ne connaît pas de bornes. Non content…

— Monsieur, interrompit le bonhomme, je n’ai point dit un mot de tout cela…

Mais l’avocat était lancé, et les grêles protestations du vieillard se perdaient dans l’ouragan de cette voix d’airain — ferrea vox — qui éveillait toutes sortes d’échos dans la populace groupée autour des deux adversaires. On applaudissait ; on criait : « Vive Rivoalan ! À bas Piphanic ! » La police locale, éveillée enfin de sa léthargie, accourait vers les manifestants ; mais, représentée par