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furibond que le greffier du tribunal, M. Videloup, qui souffrait d’une affection cardiaque, avait préféré vendre sa charge que de s’exposer davantage à des commotions dont il sortait anéanti. Les domestiques fuyaient sa maison comme la peste ; il n’avait pu s’attacher qu’un grison, sourd comme un pot, et qui le laissait tempêter à son aise, puisque aussi bien la tempête était son état normal. Et la tempête, ce n’est pas assez dire : au vrai, dans cette tête volcanisée, les mots bouillaient comme des laves ; ils n’en sortaient pas, ils en explosaient !

Ce fut le cas, cette fois encore. Dès qu’il eût fini de considérer Piphanic, Rivoalan bondit jusque sous le nez du bonhomme et, mettant à son cri toute la vigueur qu’il put trouver au fond de sa poitrine caverneuse :

— Vive la République, Monsieur ! vociféra-t-il.

— Monsieur, dit doucement Piphanic sans reculer d’une semelle, qui êtes-vous ?

— Il me demande qui je suis, répliqua le fougueux avocat en croisant les bras et en secouant vers ses hommes sa crinière à la Danton. Qui je suis ?… répéta-t-il. Pardieu ! Nous allons rire. Et vous-même, qui êtes-vous, avec votre livrée de mardi gras et votre cocarde de muscadin, pour vous permettre de me demander qui je suis ?

— Monsieur, dit poliment le vieillard, sans plus hausser le ton que s’il eût parlé au coin de sa cheminée, encore que vous ne m’ayez point fait l’honneur de répondre à ma question, je veux