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ultras de la noblesse et du clergé qui, volontiers, tant il leur était en abomination, l’eussent chargé de tous les péchés d’Israël : ne disait-on point qu’il avait fait partie de la Commune, trempé dans les massacres de la Roquette et de Sainte-Pélagie, mais qu’il avait eu le bon esprit de déguerpir à temps et de se procurer un alibi qui l’avait sauvé du Conseil de guerre ?

Ces calculs d’intérêt n’étaient point dans le caractère du personnage, lequel avait bien des défauts peut-être, mais non celui de biaiser avec ses opinions. C’était un homme d’une seule pièce, extrême en tout, qui vivait dans une effervescence continuelle et qui demandait son chocolat du même ton que l’on crie : au feu ! Tant que l’Empire avait duré, il n’y avait pas eu de plus véhément impérialiste : d’un saut, l’Empire tombé, il avait passé au jacobinisme. Tout ce qu’on peut dire d’un si brusque changement, c’est que Rivoalan manquait de nuances et n’avait pas le sentiment des transitions. Encore était-ce moins sa faute que celle de la nature qui l’avait ainsi façonné qu’il ne pouvait rien faire ni rien dire de sens rassis. Enfant, il épouvantait son entourage par la violence de ses emportements qui n’avait d’égale que la violence de ses repentirs : on l’avait vu, tout ruisselant de larmes, se jeter au cou d’un petit vagabond qu’il venait de traiter de turc à more et lui ingurgiter de force son goûter par manière de réparation. Avocat, il avait de tels éclats de voix, il martelait la barre d’un poing si