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dernier tour de gibecière était de son invention comme les autres. Mais combien il l’emportait en machiavélisme ! Cette idée d’opposer Rivoalan à Piphanic tenait proprement du génie. C’était l’eau et le feu mis en présence, deux éléments si antipathiques que de leur seul rapprochement devait résulter quelque chose d’extraordinaire dont le polisson se pourléchait par avance.

Ce Rivoalan était connu pour le chef des Rouges, ainsi qu’on appelait à cette époque tous les républicains sans distinction.

Gros et court, avec des yeux qui lui sortaient de la tête et un masque ravagé où la variole avait ouvert des milliers de petits cratères, il affectait dans sa mise le débraillé d’un tribun et accompagnait ses propos de grands gestes déclamatoires qui lui faisaient une manière d’éloquence fort goûtée du menu peuple.

Jamais nous ne l’avions vu si congestionné : sa figure flamboyait d’indignation. Surpris et un peu désorienté par l’entrée en scène des nouveaux manifestants, Piphanic avait tiré sa tabatière et humait une prise de macouba pour se donner une contenance. De son côté, l’avocat Rivoalan, si violente fût son exaltation, ne considérait pas sans une stupeur bien compréhensible l’étrange personnage qui lui barrait la chaussée. Au grand âge du bonhomme et à sa mise excentrique, un autre se fût senti désarmé. Rivoalan n’était point mauvais dans le fond, mais il fallait le connaître autrement qu’à l’habit, de quoi se souciaient assez peu les