Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.

confuses silhouettes s’agitaient sur la plate-forme de la tour ; mais notre cortège, pour gagner l’Hôtel de Ville, venait d’opérer une conversion à droite, et la tour fut de nouveau masquée par les toits pointus et les pignons ardoisés des maisons de la rue du Port. Tant moutards que badauds, nous étions bien une centaine qui courions à ce moment derrière Piphanic. Grognant, sifflant, criant, riant, « se culebutant », à la manière des passereaux du fabuliste, le gros du bataillon était parvenu sans autre anicroche à la hauteur du Café des Cinq Cents Couverts, quand se produisit un incident qui changea tout à coup la face des choses : une bande de contre-manifestants, qui accourait en sens inverse de la nôtre et qui avait à sa tête un avocat de la localité nommé Rivoalan, déboucha par les escaliers de la place du Miroir en braillant la Marseillaise.

— Ça va chauffer, dit une voix à mon oreille.

C’était Bobinet. D’où sortait-il ? Comment ne l’avais-je pas aperçu plus tôt, taon harceleur, qui évoluait et vrombissait aux flancs de la contre-manifestation ?

— C’est toi qui as hissé le drapeau blanc sur l’église du Baly ? lui demandai-je à voix basse.

— Chut, me dit-il, le drapeau est enlevé : Rivoalan a été prévenu…

— Par qui ?…

Bobinet ne répondit pas ; il n’avait pas besoin de répondre : rien qu’à la façon dont il pinça les lèvres et cligna son œil gauche, je compris que ce