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n’avait point cessé de tourner, le soleil d’éclairer, les idées de germer, le monde de se transformer. Le ravissement où il était plongé lui ôtait tout discernement ; il ne voyait point qu’il était devenu un étranger dans sa ville natale et qu’il n’y avait plus rien de commun entre ses concitoyens et lui. De ceux-là, bien peu s’attendrissaient sur l’innocente folie du bonhomme. Le plus grand nombre faisait chorus avec les gamins qui lui aboyaient aux chausses et qui s’étaient grossis entre temps de toute la canaille de Kerampont. Jamais nous n’avions été à pareille fête, d’autant qu’à trois pas en arrière, raide et sec comme un automate, le brave Job Penanhoat ne cessait de plonger dans la gibecière au billon qui carillonnait à sa ceinture…


— Allons, les enfants, disait Job : un peu de « nerf » pour faire plaisir à mon maître !

— Vive Henri V ! poussions-nous d’une seule voix.

— Hardi ! Plus fort ! disait Job.

— Vive Henri V ! reprenions-nous à nous décrocher la mâchoire.

Et Job, magnifique, lançait « à l’alligrappe » une nouvelle poignée de gros sous. C’est dans ce hourvari que nous traversâmes le pont Saint-Anne et le quai d’Aiguillon. Piphanic rayonnait ; son premier coup d’œil, en arrivant sur le pont, avait été pour le clocher du Baly où continuait de flotter le blanc gonfalon de ses rêves. Pourtant, à y bien regarder, il semblait que de