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donnaient à la petite ville une animation inaccoutumée et qui ne pouvait que confirmer Piphanic, le cas échéant, dans son idée qu’un grand événement politique venait de s’accomplir. Ah ! si Bobinet était l’auteur de la machination, on pouvait dire qu’il l’avait combinée avec une sûreté, une expérience, un savoir-faire vraiment incomparables ! En dépit d’un si beau plan, je n’osais croire que les choses iraient jusqu’au bout et que tout succéderait au gré du diabolique garnement.

La porte cochère s’ouvrit : sur le seuil, Piphanic parut.

Je le vois encore : une cocarde de basin blanc au chapeau, la croix de Saint-Louis épinglée au côté gauche, sa canne à pomme d’or sous le bras, leste et pimpant dans son habit bleu-de-roi à grandes basques, sa culotte de Casimir, ses bas de soie chinée et son tromblon en poil de chèvre, il portait si gaillardement ses quatre-vingt-treize ans qu’un peu d’admiration transpira malgré nous dans le cri sarcastique dont nous saluâmes son entrée en scène :

— Piphanic ! Voilà Piphanic !

Au bruit, les boutiquiers et les chalands, si nombreux à pareille heure dans ce faubourg commerçant de la ville, se détournèrent vers le bonhomme. Personne n’en croyait ses yeux. L’arrivée du roi Grallon lui-même, monté sur une haquenée blanche, flanqué de saint Corentin et de saint Gwénolé, n’eût pas causé plus d’aria. Depuis près d’un demi-siècle, aucun Lannionnais, à l’exception