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peut-être une serviette ou un torchon, pour parler comme la digne Brigitte, et dont l’étamine n’avait pas la couleur immaculée de la neige, mais qui, enfin, à cette distance, ressemblait assez bien au drapeau blanc. Henri V était-il remonté sur le trône, ainsi que le croyait Piphanic, ou s’agissait-il d’une mystification de Bobinet ? Profitant, comme disait l’ancien droit, des facultés, licences et privilèges afférents au ministère d’enfant de chœur, s’était-il introduit dans la tour et y avait-il exécuté de son chef la substitution d’un drapeau à l’autre ? Tout pétri de malice que fût le garnement, il nous fallait faire effort pour croire à un calcul si audacieux et qui passait de si loin la portée de ses mystifications ordinaires. De toutes façons, d’ailleurs, et que l’auteur de la substitution fût Bobinet ou un autre, le miracle désiré était sur le point de s’accomplir : Piphanic, — l’extraordinaire « émigré à l’intérieur » qui, en quarante-trois ans, deux mois et six jours, n’avait pas mis une seule fois le pied hors de chez lui, — Piphanic allait sortir, descendre en ville, se mêler à ses concitoyens !…

Le jardin avait sa porte cochère sur l’ancienne route de Morlaix, à l’entrée même de Kerampont : dégringoler du mur, courir route de Morlaix et nous poster devant l’huis fut l’affaire d’un instant.

C’était jour de marché. La présence des campagnards, le va-et-vient des guimbardes et des chars-à-bancs, les appels des marchands forains