Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

se passerait pas longtemps avant que vous n’ayez changé d’antienne.

— Paix ! dit la régente. Nous ne saurions tolérer qu’on fasse céans de semblables gageures et, si agréable qu’il nous eût été de penser que Kerjean fût une nouvelle Ithaque, la sagesse commande que nous n’exposions pas la vertu de sa châtelaine à de trop rudes assauts. Pour recommencer avec quelque chance de succès l’expérience de Pénéloppe et des prétendants, la première condition nous manque : Pénélope était femme d’âge et de raison et ses prétendants de méchants petits seigneurs campagnards, non quatre roués, les plus redoutables de Paris et dont la chronique publie qu’ils n’ont pas encore trouvé de rebelles. Saint Denis m’aide ! J’en ai quasi regret, car il eut fait beau voir qu’une simple beauté de province rabattît le caquet à ces impertinents et rétablît l’honneur de notre sexe, gravement compromis par leurs scandaleuses conquêtes. Mais, avec la meilleure volonté du monde, ce n’est pas Madame de Kerjean qu’on peut charger d’un tel soin.

— Si, Madame, elle s’en chargera, j’accepte la gageure ! s’écria René qui fut pris à ce langage perfide. En faveur du résultat, souffrez que fléchisse un instant la sévérité de vos principes et daignez me permettre de relever le défi qui m’est publiquement porté. Je donnerai à chacun de ces quatre seigneurs une lettre d’introduction pour Kerjean. Ils y seront reçus comme des amis et je veux qu’ils prennent tout le temps de pousser leur