Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nic se dirigeait vers le petit belvédère où il reposait d’ordinaire sa lunette d’approche la décrochait du mur, la vissait à son orbite, tout cela, il est vrai, si lentement, si tristement, avec un tel air de dire : « Oh ! vous savez, je n’y crois plus… Mais enfin il faut faire preuve de bonne volonté jusqu’au bout. Par exemple, c’est bien la dernière fois… » Et, tout à coup, changement à vue — un changement si subit et si radical que nous en demeurâmes bouche bée sur notre mur, zébédennés, comme on dit à Lannion, par la transformation qui venait de s’accomplir dans l’étrange personnage : sa figure, glacée de surprise, s’était brusquement illuminée d’une expression de joie extraordinaire ; ses mains tremblaient ; il prenait et quittait la lunette, frottait les verres et les refrottait, y appliquait l’œil droit, l’œil gauche, reculait, avançait, poussait toutes sortes de petits cris de perruche énamourée et, pour achever notre déroute, pinçant les pointes de sa robe de chambre en piqué blanc, se mettait à esquisser autour de son boulingrin un pas de rigodon-rigodette qui ne nous laissa plus aucun doute sur le dérangement de son cerveau.

Notre impression fut évidemment partagée par les compagnons ordinaires du bonhomme, encore qu’un commerce de plusieurs années les eût familiarisés avec ses manies, car nous vîmes le jardinier qui accourait d’un côté, dame Brigitte de l’autre, et tous deux qui levaient les bras au ciel pour invoquer la Providence.