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temps, par l’une des croisées grand’ouvertes, glissait un furtif coup d’œil vers Piphanic, qui continuait de tourner comme un cheval de manège autour de son boulingrin écorné.

Cet innocent espionnage, où l’inquiétude avait peut-être plus de part que la curiosité, s’expliquait assez bien par l’étrange métamorphose que nous avions nous-mêmes observée dans les façons du bonhomme. Évidemment, les nouvelles n’étaient pas bonnes ; la Restauration, une fois encore, s’était achoppée au mauvais vouloir de l’Assemblée Nationale ; le carrosse monarchique, en route pour Versailles, avait dû tourner bride au premier relais, et Piphanic, quelque peu désarçonné par cette disgrâce imprévue, n’avait pas eu le temps de rebondir en selle et de repartir pour le pays d’Utopie.

Ces réflexions — ai-je besoin de le dire ? — ne me sont venues que plus tard. Et, quand nous les eussions faites sur l’instant, il ne faut pas connaître le farouche égoïsme des enfants, leur cruauté insouciante, pour croire qu’elles nous eussent empêchés de baisser seulement le ton d’un degré.

Jamais, au contraire, et conformément à l’ordre de Bobinet, nous ne poussâmes notre cri de guerre avec un ensemble, une vigueur, un entrain plus remarquables. Nous y allâmes, comme on dit, à pleins poumons. Et je vois encore Piphanic, éveillé de son atonie par nos hurlements de Comanches, s’arrêtant de tourner autour de son boulingrin pour faire face à l’ouragan, balançant son grand