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seigné à rouler dans du papier d’emballage des feuilles de fougère séchée et à trouver à ces horribles cigares, d’une âcreté sans pareille, une saveur que je n’ai pas trouvée depuis aux meilleurs impériales ; lui qui m’a enseigné à nouer un fil invisible, à la brune, aux cordons de sonnette des maisons du port et de l’Allée-Verte et à tirer sur le fil, caché derrière les quinconces du Quai-Planté : les bonnes accouraient, ne voyaient personne au bout du cordon qui continuait son branle diabolique et s’enfuyaient tout à trac en jetant de grands cris…

Il faut dire que Bobinet, je ne sais pourquoi, et encore que ce fût le plus égoïste garnement de la terre et qui ne gaspillait point son amitié à tort et à travers, voulait bien m’honorer personnellement, et entre tous les galopins de son âge, d’une manière de sympathie, qui n’allait point d’ailleurs sans une nuance de supériorité un peu dédaigneuse.

Un jeudi donc, qui est jour de congé, comme à marée basse, dans le Guer, pieds nus et les manches retroussées, nous inaugurions un nouveau système de pêche à la fourchette, — encore une invention de Bobinet qui m’a valu bien de l’agrément aux alentours de ma dixième année, sans compter une magistrale taloche de ma bonne et sainte mère, certain après-midi que, me livrant à ce sport ingénieux, je n’avais pas aperçu le flot montant qui emportait un de mes souliers posé trop près de la berge, — un jeudi donc, au matin,