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hériterait quelque jour de la fonction, mais Dieu sait comme il s’y préparait ! Absent de l’école les trois quarts du temps, il n’était jamais à court de prétextes pour expliquer ses fugues audacieuses et, quand ce n’était pas un mariage qui l’avait retenu à l’église, c’était un baptême ou un service anniversaire. Le cas se présentait bien quelquefois ; mais que de fois aussi, tandis qu’on le croyait à l’église, Bobinet battait les buissons de Roudaroc’h, se douchait voluptueusement sous l’écluse, dans le bief du Moulin-du-Duc, ou chevauchait le chaperon du mur de Piphanic en grappillant le chasselas du bonhomme ! Dans notre patois d’écoliers, farci de mots bretons, faire l’école buissonnière se disait faire scholifluch. Le scholifluch, pour Yves-Marie, avait force d’institution ; la classe n’était que l’accident. C’était tout l’inverse pour nous, pauvre pécore, qui n’avions point de parents sacristains. Je sais bien que si nous avions écouté Bobinet… Voire, nous ne l’écoutions encore que trop : il avait une telle fertilité d’inventions, découvrant chaque jour un nouveau jeu, une espièglerie de sa façon qui n’était point celle de tout le monde ! C’est lui qui m’a enseigné à grimper dans les vergues des chasse-marée, d’où la vue plongeait sur la communauté de Sainte-Anne, et à choisir le moment où les pensionnaires prenaient leur récréation dans le parc pour ameuter les Révérendes Mères Augustines par une télégraphie amoureuse dont je n’ai senti l’incongruité que plus tard ; lui qui m’a en-