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qu’en cette même année 1873 la restauration monarchique n’avait tenu qu’à un fil et que le comte de Chambord n’aurait eu qu’un mot à dire pour devenir Henri V. Les Bourbons nous intéressaient médiocrement ; nous n’étions sensibles qu’au plaisir de jouer une bonne farce au vieux Piphanic, de voir s’agiter les deux ailes du madras qu’il nouait autour de sa tête, été comme hiver, et flotter les deux pans de sa longue robe de chambre de piqué blanc qu’une cordelière serrait à la taille et qui, dans sa précipitation à courir sur son belvédère et à braquer sa lunette dans la direction du Baly, découvrait deux petites jambes en fuseau, serrées dans une culotte de molleton gris et chaussées dans des pantoufles de maroquin vert. L’étrange et falote silhouette que cela faisait et qui semblait d’un Géronte de l’ancien répertoire plus que d’un contemporain de M. Thiers et du maréchal de Mac-Mahon ! Et quand, la lunette raccrochée, le bonhomme descendu de son belvédère, ses petits yeux émerillonnés se tournaient vers ses persécuteurs de l’air de dire : « Oui, oui, vous m’avez encore mis dedans, mais j’aurai mon tour », avec quelle élégance d’un autre âge Piphanic tirait de la poche de sa robe de chambre une tabatière d’écaille guillochée et sur le dos de sa main gauche, légèrement redressée, dans la minuscule fossette que formait l’écartement des tendons du pouce, versait à petits coups l’odorant pétun dont frémissaient à l’avance ses gourmandes papilles !…