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— Piphanic, Piphanic, Henri V est arrivé !

Si ces mots ne lui tintaient pas vingt fois par jour aux oreilles, ce n’était pas de notre faute. Bien loin de nous attendrir, la constance de notre victime et l’apparente philosophie dont elle supportait ses mécomptes perpétuels ne faisaient que donner un aliment à notre rage de persécution.

J’ai idée maintenant que le bonhomme n’était point si sot que nous le faisions et qu’il se disait à lui-même :

« Oui, oui, polissons, riez, moquez-vous de moi. Rira bien qui rira le dernier. J’en ai vu bien d’autres en quarante-trois ans. La France est une tête à l’évent qui s’est entichée tour à leur de tous les partis et de tous les régimes. Mais quoi ! le cœur est bon, si la tête est légère ; un caprice est vite passé, et il n’y a que le premier amour qui compte. On y revient toujours, petits. La chanson le dit, croyez-en la chanson et que la France reviendra tôt ou tard à ses princes légitimes. Qu’est-ce qu’une infidélité de quarante-trois ans, quand on a dormi quinze cents ans dans le lit de la monarchie traditionnelle ? Allez ! Tout n’est pas fini, et l’histoire n’a pas dit son dernier mot. Si Henri V n’est pas encore « arrivé », il ne tardera guère, mes amis : Froshdorff n’est pas si loin de Versailles, et la plaisanterie de la veille est quelquefois la vérité du lendemain … »

Un discours de ce genre n’aurait rien eu de surprenant dans la bouche du bonhomme. Mais nous n’étions point des politiques ; nous ne savions pas