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mais Piphanic, voltairien endurci ou qui passait pour tel, avait contre lui tout le haut et bas clergé de la ville, si intimement mêlé de ce moment au parti légitimiste qu’il avait fini par l’absorber. De fait Piphanic n’allait jamais à l’église. Mais on ne voit pas non plus comme il l’eût pu faire sans manquer à son serment. Car voici bien le plus extraordinaire de l’aventure : on disait qu’au lendemain des journées de Juillet — cela remontait assez loin dans l’histoire — Piphanic, que la médiocrité de sa condition empêchait de suivre Charles X en Angleterre, avait imaginé une manière d’émigration à l’intérieur qui avait tout le caractère d’un exil véritable, puisqu’elle comportait l’obligation de ne plus mettre les pieds dehors et de s’abstraire entièrement de la vie publique tant que la France n’aurait pas reconnu ses erreurs et rétabli les Bourbons sur le trône.

Peut-être Piphanic, quand il avait fait ce serment inconsidéré, s’aveuglait-il sur l’avenir et pensait qu’il ne lui en coûterait guère de vivre à l’écart pendant quelques semaines ou quelques mois, délai qu’il prisait plus que suffisant pour achever la déroute de la branche cadette. En tout cas, et s’il avait vraiment fait ce serment, comme je suis porté à le croire, il faut admirer une constance qui ne se démentit point un seul instant au cours d’une période de quarante-trois ans. De quelles émotions n’avait pas dû palpiter ce cœur solitaire après les journées de Février et, plus tard encore, quand les chances d’une restau-