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point eu cette idée, dont le respect qu’il portait à sa souveraine aurait suffi à le défendre.

— Alors, dit aigrement la régente, il faut donc que Madame de Kerjean soit quelque monstre dont vous rougissiez.

— Françoise de Quélen est ma femme depuis cinq ans, dit René. On nous a mariés quand elle n’avait que douze ans et moi quinze. Je l’aime comme au premier jour. Elle n’a rien dans le visage et le cœur dont il me faille rougir ; elle est aussi honnête que belle, Dieu merci. C’est la longueur du voyage qui m’a effrayé pour elle, non le jugement de la Cour et encore moins, ajouta-t-il d’une voix forte, en se tournant à demi vers les muguets qui ricanaient dans l’embrasure d’une croisée voisine, les œillades et les entreprises des galants.

— Eh ! là, dit la régente, vous regardez M. de Belz et ses amis comme si précisément c’étaient les galants dont vous parlez !…

— Moi, Madame ? dit René. Je ne connais aucun de ces messieurs et n’ai nulle envie de les connaître, fors que Votre Majesté ne l’ordonne. Ils peuvent se moquer tant qu’il leur plaira de la confiance que j’ai dans ma femme : je ne suis pas homme à m’en soucier.

— J’aime ce langage, dit la régente. Mais je l’eusse encore mieux goûté si Madame de Kerjean avait été céans. Outre que l’éclat de ses mérites n’eût pas manqué de rejaillir sur notre Cour, c’est à l’œuvre qu’on voit l’ouvrier et nous ne pouvons raisonnablement juger d’ici cette haute vertu ni