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dans le sens de ses intérêts… Les calculs que je lui prête, il est possible à la rigueur qu’elle ne les ait jamais faits bien précisément ; mais son subconscient, comme disent les philosophes, les faisait sourdement pour elle… Eh ! mon cher, la douairière ne nous est rien ; nous pouvons parler net ! M. de Sonil, lui, pouvait, devait penser autrement. Et le fait est que, de retour en France, il n’accabla pas sa mère, ne lui reprocha rien. S’il soupçonna la vérité, personne ne l’a su… Cependant j’ai retenu ce que m’a dit son médecin. Un jour que celui-ci, sur les prières de Madame de Sonil et sans être bien convaincu de l’efficacité du conseil, le pressait de s’adresser à un des maîtres de l’oculistique, Xavier secoua la tête et répondit très catégoriquement :

« — Non, docteur. Il y a des maux dont il vaut mieux ne pas guérir. Ma cécité m’est chère : grâce à elle, rien ne s’interpose entre le passé et moi…

« — Vous songez trop au passé, mon fils, dit la douairière.

« — C’est pour oublier le présent, ma mère, dit M. de Sonil. »