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Jennie ne devait plus retrouver. Madame de Sonil, qui n’avait pas quitté de toute la maladie le chevet de sa bru et qui avait du moins un peu racheté par là sa coupable négligence, ne fut pas la dernière à s’apercevoir des ravages que le mal avait faits chez Jennie. Elle les lui cacha tant qu’elle put. Mais il vint un moment où la convalescente se leva et, passant devant un miroir, y découvrit la vérité. Ses traits déformés, sa peau fanée, ses yeux sans sourcils, surtout les horribles petits cratères dont son visage était comme criblé lui causèrent plus d’émoi que n’eût fait la rencontre de son propre squelette.

« — Dois-je rester toujours ainsi ? demanda-t-elle au docteur.

« Galant homme, le médecin tâcha d’atténuer la sévérité de son verdict, mais ne put cependant promettre à Jennie qu’elle recouvrerait la totalité de ses charmes.

« Que se passa-t-il à cette révélation chez la malheureuse ? Sans doute se rappela-t-elle tant d’insidieuses et perfides maximes de la douairière sur la fragilité des attachements charnels et il lui parut qu’ayant perdu sa beauté, elle avait perdu le seul bien qui pût lui assurer l’amour de M. de Sonil. Peut-être aussi l’incertitude où l’on était toujours du sort de l’officier, bloqué dans le quartier des Légations avec M. Pichon et le personnel de l’ambassade française, travaillait-elle son pauvre cerveau et lui faisait craindre les pires éventualités. Quelque obscur atavisme s’y mêlait