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mouchoir dont elle couvrait son visage. Puis, comme s’il avait voulu fixer à jamais cette adorable image dans ses yeux, il demeura plusieurs minutes en contemplation devant la jeune femme et soudain reprit sa marche vers la gare…

« Les jours qui suivirent furent extrêmement douloureux pour Jennie : toute à la pensée de l’absent, elle exécutait machinalement ce que lui intimait la douairière, dévidait dans son ombre chapelets sur chapelets, litanies sur litanies, ne sortait que pour l’accompagner à la messe et au sermon et, le reste du temps, cousait ou faisait à ses côtés de menus travaux d’ouvroir. Elle ne s’éveillait qu’aux heures du courrier. Mais, comme il fallait que toutes ses lettres passassent sous les yeux de sa mère, Xavier n’osait s’épancher librement, même avec Jennie, qui, après les effusions amoureuses de ces deux années, trouvait presque froides les protestations de son correspondant. Ce fut bien pis quand Pékin tomba aux mains des Boxers et que, toutes les communications étant coupées, M. de Sonil, qui avait été commandé pour marcher au secours des Légations avec trois cents hommes du Descartes, ne donna plus de ses nouvelles. L’inquiétude, le manque d’exercice, les maximes décourageantes de sa belle-mère sur la vanité et la précarité des attachements formés par les sens et, plus que tout peut-être, cette atmosphère de caveau qu’on respire dans la Théologale, le sortilège de ces vieux murs enduits de la tristesse des générations, cette espèce d’en-