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la hanche la mieux cambrée, des extrémités de duchesse ou d’Andalouse achevaient de la distinguer du commun de ses compagnes et semblaient aussi paradoxaux chez une Bretonne qu’ils eussent paru naturels à Séville ou à Grenade. Ajoute que l’enveloppe, chez Jennie, n’était pas menteuse et que toute la sensualité méridionale, la fougue miraculeusement retrouvée d’un sang riche, ardent, passionné, exclusif, bouillonnait aux veines de cette déconcertante fille des grèves armoricaines pour qui le monde tenait tout dans l’homme qu’elle aimait et qui, moins scrupuleux ou moins amoureux lui-même, eût pu faire d’elle à volonté sa maîtresse ou son esclave.

« De telles femmes, dont l’unique fonction est d’aimer, ne peuvent survivre à la perte de ce qui fait pour elles la raison de la vie. Madame de Sonil chercha par tous les moyens à détourner son fils d’un parti qui la blessait au plus vif de ses sentiments de caste et, si elle se résigna enfin, sur les instances de son confesseur et pour éviter un scandale, à donner son consentement au mariage, elle refusa d’y paraître et feignit même tout un temps d’ignorer l’existence de sa bru. Dans les rares lettres qu’elle échangeait avec Xavier, elle ne faisait jamais allusion à Jennie. M. de Sonil, qui était en subsistance à Brest, ne vint pas une seule fois à Guérande pendant deux ans : il comptait sur le temps pour vaincre l’obstination de sa mère. Et, d’autre part, ces deux années qu’il passa en tête-à-tête avec Jennie furent deux années si chargées