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et qu’ils s’aimaient depuis longtemps, mais que M. de Sonil hésitait à passer outre aux volontés maternelles : ce qui précipita leur mariage, ce fut cette ruine des Le Huédé qui allait obliger la jeune fille à chercher au dehors un emploi d’institutrice ou de demoiselle de compagnie.

« Jennie était admirablement belle, et certain portrait qu’on m’a montré d’elle, dans cet original costume du bourg de Batz que les femmes revêtent encore à l’occasion d’une cavalcade ou d’un bal de charité, s’égale, pour la perfection du modèle, aux plus magnifiques Vélasquez… Je ne prononce pas ce nom au hasard, sois-en sûr. Les Espagnols ont fait mainte descente dans la presqu’île sous Charles de Blois et pendant la Ligue, et un corps de ces auxiliaires, avec Juan d’Aquila, tint plusieurs mois garnison à Guérande et à Batz. Si quelques gouttes de sang ibère coulent chez les paludiers, il n’est rien là d’extraordinaire. Les croisements de races sont féconds en surprises et ce n’est pas une de leurs moindres singularités qu’au bout de cinq ou de six générations ils restituent quelquefois un type dans toute sa pureté originelle.

« À la différence des autres femmes de son clan, blondes à l’œil bleu, généralement grandes, lourdes et de carnation vive, Jennie était brune, de taille moyenne et de teint légèrement bistré. Ses yeux noirs et chauds, allongés en amande, la fine courbe de son profil, une lèvre rouge, charnue et voluptueusement dessinée, le buste le plus harmonieux,