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l’autre côté, s’appuie aux admirables remparts bâtis en 1431 par Jean V avec les revenus des fouages de la presqu’île. Le bon duc rêvait de donner à sa ville préférée un corset de bataille qui défiât les siècles. Il y a réussi, pardieu ! Et l’armure a survécu au corps qui l’habitait. Après cinq siècles, les remparts en pierres de grand appareil sont intacts comme au premier jour. De la porte Saint-Michel à la porte Bizienne ils trempent dans une eau verdie qui n’a peut-être pas été renouvelée depuis Jean V et, à soixante pieds au-dessus des douves, la rude dentelure de leurs créneaux continue de mâcher le ciel breton. Mais les créneaux sont vides : l’œil des hulottes brille seul aux meurtrières ; nul hallebardier ne veille sur les tours : ces gardiennes de la cité ne gardent plus qu’une morte, le cadavre embaumé de ce qui fut Guérande, place forte de 12.000 âmes, capitainerie générale, évêché, aujourd’hui petit chef-lieu de canton de 3.500 habitants.

En toute autre circonstance, une enceinte si parfaitement conservée et le beau panorama qu’on découvre du Mail eussent suffi à captiver mon attention. Mais mon esprit voguait ailleurs et j’étais beaucoup plus avide de connaître le secret de M. de Sonil que d’obéir à la sollicitation du paysage guérandais. Cependant nous avions dépassé la porte Saint-Michel, et Malézieux, qui semblait prendre plaisir à prolonger mon supplice, n’avait pas encore desserré les lèvres. Je n’osais trop le presser détenir sa promesse. Peut-