Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gravée sur l’écusson d’un de ces émouvants reliquaires : « Après Guérande, le ciel ! » — variante locale et toute chrétienne du célèbre vedere Napoli e piu morire où se traduit l’attachement bien connu des Guérandais pour leur petite patrie, — mon ami Malézieux me montra deux hommes qui venaient d’entrer dans le cimetière et dont l’un, qui avait l’apparence d’un domestique de bonne maison, tenait l’autre par le bras et dirigeait sa marche à travers les allées.

— M. de Sonil et son valet de chambre, me souffla Malézieux. Ils se rendent sur la tombe de la jeune marquise de Sonil. Chaque matin et chaque après-midi, quelque temps qu’il fasse, ils accomplissent le même pèlerinage.

— M. de Sonil est donc aveugle ?

— Sans doute et l’aventure n’est pas si vieille que tu aies déjà pu l’oublier. Xavier de Sonil est ce lieutenant de vaisseau qui défendait la Légation française pendant le siège de Pékin. En voulant dégager un de ses matelots, il tomba aux mains des Boxers…

— Et les misérables, qui l’avaient attaché au poteau de torture, lui flambèrent les yeux avec des étoupes imbibées d’alcool…

— Précisément.

— En effet, je me souviens de cet atroce épisode qui, d’ailleurs, si je ne me trompe, fut l’épilogue de la campagne, les troupes européennes étant entrées le jour même dans Pékin, juste à temps pour sauver la vie de M. de Sonil, trop tard pour