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« Marie-Reine traîna de la sorte jusqu’à la fin de l’hiver ; le recteur allait la voir de temps à autre ; il tâchait de lui rendre le courage ; elle secouait la tête : elle sentait comme une menace sur elle. Son mari n’était presque jamais à la maison. Il naviguait dans le nord, du côté de Dunkerque ; il ne se dérangea même pas pour le baptême de l’enfant et ainsi les soupçons se confirmèrent qu’il n’avait épousé Marie-Reine que par esprit de sacrifice et pour la couvrir de son nom.

« Cependant la pauvre femme descendait maintenant de sa chambre. Elle s’était remise au comptoir comme du temps qui avait précédé son mariage ; on la voyait derrière la vitre, toujours penchée sur sa couture ou sur son tricot… Ah ! mon fils, il ne faut pas tenter Dieu ni les saints ! Le Ciel est moins jaloux de ses dons que de l’emploi que nous en faisons. Marie-Reine avait bien raison de craindre et elle n’était pas au bout de son calvaire d’expiation : un coup de mer emporta le patron Morvan. Il n’était son mari que pour la forme. Mais, quelques jours plus tard, son enfant, une petite fille pâlotte et souffreteuse qu’elle chérissait avidement, mourut dans ses bras.

L’opinion générale fut qu’elle ne survivrait pas à tant de misères. Un an s’était écoulé ; l’Assomp-