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gentilhomme accompli, savant, sage et généreux, que la mort de ses parents l’eût mis en possession du plus beau château de Bretagne et que sa femme, Françoise de Quélen, ne le cédât à aucune dame de son temps pour la vertu, le savoir-vivre et la beauté. À la fin pourtant, il fallut bien que le jeune seigneur fît comme les autres et s’en vînt présenter ses hommages à la mère du nouveau roi qui exerçait le pouvoir pendant la minorité de son fils. Mais, comme René ne comptait point s’éterniser à la Cour et qu’il tenait son Kerjean pour un séjour mille fois plus agréable que le Louvre, il partit seul et laissa Françoise à la garde de sa nourrice.

— Je vous reviendrai bien vite, mon cœur, lui dit-il, et nous ne nous quitterons plus.

— Le ciel vous écoute, mon cher seigneur ! répondit Françoise. Le temps que vous passerez loin de moi, je l’occuperai en oraisons et à filer ou à carder l’étoupe. Je voudrais qu’il n’y eût si pauvre ménage aux environs qui n’eût sa toile de balin pour l’hiver et qui ne la reçût de mes mains. J’y ajouterai volontiers un écu par ménage, si Dieu me fait la grâce que vous reveniez sain et sauf…

L’aube était à peine levée. Les équipages du jeune seigneur piaffaient d’impatience dans la magnifique cour d’honneur dallée à l’italienne, dont le corps de logis principal et ses ailes occupaient trois des côtés et sur l’autre côté de laquelle régnait une galerie aux pilastres finement ouvra-