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La statue de saint Joseph s’avançait la première ; un léger intervalle la séparait de la statue de sainte Anne, portée par quatre veuves en noir. La statue de Notre-Dame était la dernière. On cherchait sous la claie les jeunes filles chargées du divin fardeau : Marie-Reine manquait au peloton. Nous sûmes depuis que le recteur l’avait fait sortir par une porte dérobée de la sacristie et qu’elle était repartie pour Perros dans le char-à-bancs de son père.

« Que te dirai-je, mon fils ? Quinze jours ne s’étaient pas écoulés qu’on apprenait que Marie-Reine épousait le patron Morvan, un maître au cabotage de la rade, un brave homme, mais gueux comme Job et qui n’aurait jamais osé, en d’autres temps, élever ses prétentions jusqu’à ce miracle de beauté. Il n’y eut personne d’invité à la cérémonie ; elle se fit presque comme une noce de mendiants. La mariée, qui n’avait pas mis les pieds hors de chez elle depuis le 15 août, était si faible qu’on dut la transporter au bourg en voiture. Le père aussi était méconnaissable ; ce malheureux Tréal avait l’air de marcher au supplice : il avait fondé de si belles espérances sur sa Marie-Reine ! Qui se fût imaginé qu’il l’eût jamais donnée à un simple maître au cabotage ? On ne comprit ses raisons que quatre mois plus tard, quand on sut que Marie-Reine venait d’avoir une fille. Alors tout s’expliqua et, du même coup, les rumeurs qui avaient circulé autrefois sur ses relations avec M. de C… prirent une certaine consistance.