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de tirer malice, vous autres, qui arrivez de France…

— S’il est possible de parler ainsi ! m’écriai-je. Quelle injure vous me faites ! Regardez-moi, Perrine. Je n’ai point changé et il faut qu’on m’ait jeté un sort comme à Paskou, le petit tailleur de Porzemprat, qui perdait sa figure naturelle toutes les fois qu’il avait bu un coup de trop, ce qui fait que sa femme lui fermait la porte au nez et qu’il passait plus de nuits à la belle étoile que dans ses draps, oui sûrement il faut que j’aie été, à mon insu, victime de quelque maléfice semblable pour qu’en me voyant vous n’ayez pas retrouvé tout de suite, sous ses cheveux seulement plus rares, le simple et naïf garçonnet qu’émerveillaient si fort vos histoires de jadis. Je me les rappelle toutes encore pourtant, ces histoires, toutes, les tristes, les plaisantes, les tragiques, les macabres, et, aux heures grises de ma vie, là-bas, à Paris la grand’ville, comme vous dites, il m’est arrivé bien souvent d’y rêver et à vous par surcroît, ma chère vieille, et à votre bon feu de chénevottes et d’ajoncs plein de grosses châtaignes sucrées qui rissolaient sous les cendres. Oh ! ces veillées d’hiver, ces veillées du manoir de mon enfance, au penchant des molles collines où vient expirer le flux, dans un repli de cette « armor » perrosienne que les goémons festonnent à sa base et qui porte à son faîte un verdoyant bandeau de futaies, ces veillées inoubliables de Crec’h-Gourhan, avec les plaintes étouffées du vent d’ouest dans les longs corridors, l’aigre chanson des courlis sur les vasières du