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crépuscule ; l’air était gris et doux ; des fermes rêvaient dans les chênes. Au Crugüill nous aperçûmes la mer, mais il fallait un œil averti pour ne pas la confondre avec le ciel ; le mince triangle d’étain qu’elle découpait sur l’horizon ne s’en distinguait que par une tonalité un peu plus mate et semblait pris dans l’engourdissement universel. Perros devait être par là, sur un des côtés du triangle, derrière un bouquet d’ormes et de pins qui masquait le dôme octogonal de son église en granit rose. La flèche seule du clocher pointait au-dessus des arbres. C’était assez. Tout ce cher pays, dans la lumière dorée de mes souvenirs d’enfance, revivait magiquement. Sans doute rien n’y avait changé. Ces petites villes de Bretagne sont des Belles au bois dormant ; le Temps y replie ses ailes ; les âmes y macèrent dans je ne sais quel nard d’irréalité[1]

— Marie-Reine ? Quelle Marie-Reine ? dit Perrine.

— Mais il n’y a qu’une Marie-Reine, répliquai-je, la fille du quincaillier de la rade, Marie-Reine Tréal, qui était si belle !

— Ah ! dit Perrine, c’est de Marie-Reine Tréal qu’il s’agit ? Elle est aux Carmélites de Morlaix, Marie-Reine Tréal.

  1. Les lignes qui précèdent ne seraient plus vraies aujourd’hui : le Perros cosmopolite des villégiatures estivales a submergé l’ancien Perros. Il n’y a pas eu là évolution, mais substitution d’une civilisation à une autre, comme à Dinard, à Morgate, à Pont-Aven et sur tant d’autres points de la côte bretonne.