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LA PÉNITENCE DE MARIE-REINE




Au Dr Anthony.


C’est une idée bien bretonne qu’une trop grande beauté corporelle est un vol fait à la perfection divine et dont elle nous demande compte tôt ou tard. Je l’ai entendue exprimer par une aimable vieille nommée Perrine Guillou près de qui je m’enquérais des changements survenus au pays depuis mon départ.

— Et Marie-Reine ? dis-je tout à coup.

J’avais rencontré Perrine au bas de la montée de Kervenno. Engourdi par neuf heures d’encaquement nocturne dans un wagon archibondé, j’éprouvais, en débarquant à Lannion, le besoin de me détendre, de donner du jeu à mes muscles, ce pourquoi j’avais résolu de faire à pied le reste du trajet. Mais la brave femme ne l’entendit point de cette oreille et voulut absolument que je prisse place dans sa carriole, attelée d’un alerte bidet jaune de Corlay qu’elle venait d’acheter à la foire du Ménez-Bré. Comment résister à une invitation si pressante ? J’aurais fâché Perrine en me dérobant à ses instances : je montai donc près d’elle et nous partîmes au petit trot dans la direction de Perros. La matinée avait comme une langueur de