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cuire et l’offrir, chapeau bas, au sire de Maillé. Marchangy, qui raconte longuement la scène dans Tristan le Voyageur, l’a gâtée en la délayant : l’œuf est devenu chez lui tout un menu. Nous voyons le sire de Kerjean aborder le « sire de Lanhouarneau » (sic), assis sous un chêne, et lui présenter « avec respect la rente annuelle, en outre un morceau de pain, deux œufs durs et une bouteille de vin. » Après quoi le sire de Lanhouarneau se lève de son trône rustique, fait siéger à sa place le sire de Kerjean et le sert comme il en a été servi lui-même.

C’est une scène à la Walter Scott. Marchangy, qui campe des cigognes sur les cheminées de Lanhouarneau, ne l’a pas inventée de toutes pièces, — comme ses cigognes ; mais il l’a, suivant son habitude, fortement « romantisée ». En réalité les rapports de vassal à suzerain n’avaient nullement, entre Kerjean et Maillé, le caractère de réciprocité que leur prête Marchangy et l’hommage du sire de Kerjean n’était payé d’aucun retour. Ainsi s’explique que les Barbier, grisés par leurs richesses et l’élévation de Kerjean en marquisat, aient été si avides de s’en affranchir. Dans l’intervalle ils avaient annexé à leurs terres les châtellenies de Languet, Rodalvez, Trocurum, etc., et s’étaient alliés aux plus illustres familles de la province. Henri III leur écrivait et, sur le bruit qu’on trouvait à Kerjean une race de lévriers « des plus beaulx, grands et forts », se faisait envoyer un couple de ces chiens pour son chenil