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Et des voix plus humbles, voix de la côte ou de la glèbe, y forment comme une grande basse continue, anonyme et sanglotante. Les Jongleurs de Kermartin, La Chanson du buisson blanc, La Nuit du grand pardon sont les chefs-d’œuvre de ce genre ambigu où un art très poussé, très attentif, curieux du détail, amoureux de rythmes rares et de notations subtiles, s’emploie au service de thèmes populaires qui n’en paraissent pas trop rétrécis. Là fut la nouveauté et le secret de l’influence que M. Tiercelin prit sur une "jeunesse à laquelle il enseignait par son propre exemple comment on peut rester Breton sans avoir l’air trop provincial : il chantait la Bretagne et il la chantait en parnassien, avec la souplesse et le savoir-faire d’un émule des Mendès et des Albert Mérat. M. Tiercelin, après un tel effort couronné d’un si légitime succès, avait tous les droits du monde à pousser son Exegi monumentum. Il l’a fait dans ce sonnet d’une facture excellente et qu’il faudra graver — le plus tard possible — sur le socle de son buste, avec l’hommage des poètes dont il disciplina le lyrisme et coordonna les aspirations :

Ô Bretagne, je suis ton fils reconnaissant !
C’est à toi que j’ai dû de garder en mon âme
La foi dans l’Idéal que partout je proclame,
Legs divin qu’on reçoit des aïeux en naissant.

Ô Poésie, à toi le pâle adolescent
Se donna tout entier et ce fut à ta flamme,
Sans souci qu’on me plaigne et sans peur qu’on me blâme,
Que je vins allumer les ardeurs de mon sang.