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tout. Peut-être, jusqu’ici, l’émotion personnelle prenait-elle trop soin de se dissimuler sous cette forme un peu rigide et d’ailleurs toujours impeccable. C’est un reproche qu’on ne saurait adresser au nouveau livre de l’auteur : Sous les Brumes du Temps. Sans rien abdiquer de son idéal esthétique, M. Tiercelin nous permet enfin de vibrer à l’unisson de sa propre souffrance. La partie du recueil consacrée à l’enfant dont il lui a fallu se séparer contient les strophes les plus attendries, les plus délicatement émouvantes de toute son œuvre. Ce n’est pas la première fois qu’un poète chante sur un berceau vide et l’on sait quels beaux vers la souffrance paternelle inspira à M. Charles de Pomairols : mais ici le déchirement se complique d’on ne sait quelle jalousie poignante contre les rigueurs des conventions sociales. Sous les Brumes du Temps restera sans doute une exception dans l’œuvre de M. Tiercelin, dont le précédent recueil était une manière de testament poétique composé avec les meilleures pièces des Asphodèles, des Cloches, de l’Oasis, etc., et un certain nombre de pièces inédites tant en langue française qu’en langue bretonne. Qui veut connaître l’auteur, ses tendances et démêler du même coup le secret de son influence sur la jeunesse qui l’élut pour maître doit les chercher dans ce livre au titre large, mais nullement démesuré : La Bretagne qui chante. On y entend des voix venues de tous les points de l’horizon : Renan y donne la réplique à saint Yves ; Surcouf à Victor Massé.