Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un véritable artiste. La forme chez M. Le Mouël emporte le fond et lui est infiniment supérieure.

Un second recueil : Fleur de blé noir et un drame symbolique : Kemener procèdent de la même inspiration. Dans le Manoir doré nous ramène en plein moyen-âge romantique.

… Lorsque le rêve éclot sous mon front ignoré,
Ma demeure se change en un manoir doré,
Dont je suis, pour un temps, le seigneur solitaire.

Quels instants précieux je passe en mon manoir !
Je crois être frôlé par des voiles de fées.
Et je vais décrocher les armes des trophées
Pour parader sous les arceaux du promenoir.
 
Je flâne à l’aventure et trouve des volières
Où songent des ibis roses et des paons bleus,
Et des arbres chargés de fruits miraculeux,
Et des bassins où l’eau d’argent dort sous les lierres.
 
Le manoir de mon rêve est flanqué d’une tour.
J’en gravis les degrés et je touche aux nuages ;
Et je vois à mes pieds s’agiter les images
Des hommes du passé qui vivaient alentour…

Ces hommes du passé — parmi lesquels deux ou trois délicieuses figures de femmes, — sont au nombre d’une douzaine : le Lapidaire aux yeux de saphir, Sa Majesté le roi Gaspard, le Veilleur de nuit, Messire Allan Guennec, Maître Benoît Crespin et quelques autres seigneurs de moindre importance. M. Le Mouël leur a donné à tous un relief saisissant ; il suffit de les avoir vus une fois pour qu’ils s’incrustent dans la mémoire. Peut-être goûtera-t-on moins les anecdotes qu’ils sont chargés d’illustrer : l’invention n’en est pas tou-