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voyage, contre-partie de la pièce fameuse inspirée à M. Haraucourt par ses déménagements de fonctionnaire :

Non, poète, partir n’est pas mourir un peu !
C’est le désir qui bout dans les âmes de feu.
Non ! partir, ce n’est pas mourir un peu, c’est vivre !
Il s’enchaîne, qui reste, et qui part se délivre.
Demeurer au logis, inerte, c’est nier
L’espace et devenir pareil au prisonnier
Qui se complaît dans la cellule coutumière.
L’habitude ayant clos ses yeux à la lumière.
Mais nous autres, épris du ciel et des rayons,
Qui voulons Vivre et voulons Voir, appareillons !…

« Gaulois, fait dire à Velléda Chateaubriand, souvenez-vous que votre nom signifie voyageurs. » M. Beaufils n’avait pas besoin du conseil : si on l’écoutait, il serait soir et matin par les routes de sa chère Italie, et il est mélancolique de penser qu’on a fondé récemment une bourse de voyage pour les poètes et que le montant de cette bourse fut attribué peut-être à un candidat qui partageait les goûts casaniers de M. Haraucourt. C’est à M. Beaufils qu’il fallait donner le prix. Il le méritait, par sa constance à célébrer les plus récentes inventions du génie moderne et, entre toutes, les locomotives :

Après le Louvre où dort la Victoire qu’en vain
Le temps mord, impuissant sur ses milliers de guivres,
Est-il rien de plus beau, sous la flamme des cuivres
Et l’éclat brusque des manettes de nickel.
Que ce monstre fumant, soufflant, devant lequel
Fondent comme neige au soleil les perspectives,
Est-il rien de plus beau que les locomotives ?…