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Je ne suis plus ton frère aujourd’hui, doux berger
Qui chantais Galatée à l’ombre d’un verger.
Il me semble parfois qu’au secret de mon être
Se voile mon amour pour la splendeur champêtre,
Tandis que, secoué par de mauvais frissons,
Je sens mon faible cœur couver des trahisons…
Ah ! je sais bien qu’un jour de printemps ou d’automne
Ayant pris mon bâton, sans prévenir personne,
Pour m’épargner au moins le reproche et les pleurs,
Je m’en irai d’ici, furtif comme un voleur.
Ce sera vers l’heure où la base des collines
Paraît s’envelopper de grises mousselines,
Où le clocher du bourg, sentant la nuit, s’émeut.
Où dans l’âtre joyeux on fait flamber le feu
Pour le dernier repas, la journée étant faite…
Longtemps je marcherai sans retourner la tête.
Puis, sans songer que j’eus mon enclos et mon toit
Et que j’aimai les champs et les prés comme toi,
Beau pâtre qui chantais à l’ombre de tes vignes
Galatée aux doux yeux, blanche comme les cygnes,
Parmi le paysage aux tons plus indistincts
Je m’évanouirai dans le jour qui s’éteint !…

Il ne peut subsister aucun doute, je pense, après ces vers, sur le caractère symbolique du titre que M. Poirier a choisi pour son recueil. Encore est-il que la mer n’est pas toujours prise au figuré dans ce recueil et qu’il y est question d’elle plus d’une fois autrement que par métaphore. Qu’on lise notamment : À l’ancre, Scrupules, le Vieil Océan, Village de Pêcheurs, le Promontoire, etc. Peut-être ne sont-ce point les pièces qu’on goûtera le moins. La mer a toujours porté bonheur à M. Poirier. Il la sent et il l’aime profondément, non point en homme du littoral, né, élevé près d’elle, comme Tristan Corbière et M. Auguste Dupouy, par exemple, mais en ter-