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sortes de gens. Mistral disait de ses vers qu’ils étaient « gais comme le soleil de Provence ». Gais, oui sans doute, mais d’une gaieté large, abondante et nourrie, qui — j’en demande pardon à l’auteur de Mireille — fait beaucoup moins songer au fin soleil provençal qu’à la pleine lune de Landerneau, quand elle lève sur l’horizon sa bonne face rubiconde. Dans le chœur des poètes bretons, M. Le Guyader représente l’élément réaliste et populaire. Je n’hésite pas à dire qu’il le représente magnifiquement ; ses récits de haute graisse ont je ne sais quoi d’épique qui en relève la trivialité : le Lutrin de Monseigneur Graveran, l’Andouille du recteur, le Pater de Saint-Riwal, Mathurin l’aveugle, sont en ce genre des manières de chefs-d’œuvre. Tout s’y tient, et il est malaisé d’en rien détacher sans nuire à l’ensemble. Je le regrette, car, encore une fois, M. Le Guyader, que l’Académie française a distingué déjà pour son Ère bretonne, mériterait d’être plus connu hors de Bretagne et placé à son vrai rang, qui est celui d’un maître.

La critique savante reconnaît chez les Celtes armoricains deux sortes de conteurs populaires : les marvaillers et les disrevellers. Les disrevellers ce sont les légendaires, les fabricants de récits merveilleux, les tisseurs de rêve, héritiers de ces admirables trouvères du cycle arthurien qui furent les professeurs d’idéalisme du monde occidental ; les marvaillers, tout au contraire, comme nos « fableors » du moyen-âge, se tiennent de