Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y a des aveux qui ressemblent à des provocations. Je ne suis pas bien sûr que M. Illio ne soit pas plus fier que marri d’ignorer le latin et le grec. Et, semblablement, la contradiction — hélas ! si fréquente chez les Bretons — qu’il signale entre ses deux tendances, mystique et libertaire, j’ai idée qu’il en tire plus de vanité que de dépit. Tout cela est d’un assez joli anarchisme sentimental. Et la lecture des Deux Voix n’est point pour modifier notre impression ; nulle part le poète ne prend soin d’accorder dans son œuvre

Le passé qui chantonne et le présent qui crie.

Que dis-je ? Cette cacophonie lui est chère comme une originalité. M. Illio m’en voudra-t-il si je lui confesse que je fais bon marché de l’originalité ainsi entendue ? Sur les cinquante ou soixante pièces qui composent son recueil, les deux tiers sont franchement insupportables, encore que, pris isolément, les beaux vers n’y soient point rares ; dans l’autre tiers, je distingue quatre ou cinq morceaux qui sont vraiment d’un poète, d’un homme qui a le don. Une de ces pièces surtout, malgré quelques imperfections de détail, devrait suffire à le tirer de pair. Elle est intitulée : À celui qui voudrait naître de moi, et son âpre saveur reste longtemps aux lèvres après qu’on l’a goûtée :

Lorsque j’étreins mon rêve, aux jours de solitude,
Parfois j’entends monter des appels enfantins ;
Ils arrivent à moi plaintifs et presque éteints,
Et je reste inquiet devant leur multitude.