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Il naîtra : je l’attends. Dans les ondes énormes
Où la lumière astrale, pour l’éternité,
Roule tous les reflets tourbillonnants des formes,
J’ai vu l’image aurorale de sa beauté.
 
Il est éblouissant de jeunesse et de force.
Il a parlé peut-être avec des dieux. Les vents
Sont enivrés de boire, à la chair de son torse,
Le parfum des lilas et des âmes d’enfants.

Il a la grâce d’un navire à toutes voiles,
Où des oiseaux perdus trouvèrent un appui ;
Ses yeux sont radieux d’avoir lu les étoiles,
Et sombres d’avoir lu les hommes d’aujourd’hui.
 
Son geste est attirant comme la mer nocturne ;
Il s’exhale, des effluves qui vont courir
Sur ses cheveux casqués d’un rêve taciturne,
Un vertige ambigu de vivre ou de mourir.
 
Les cœurs lassés, sa voix les prend et les enchaîne
Aux espoirs oubliés dont ils vibraient jadis.
Robustesse adorable et pure : il semble un chêne
Fleuri de roses pourpres et de sombres lis.
 
S’il passe parmi nous, les foules égoïstes
Sentent un souffle étrange en leurs reins maîtrisés :
Les hommes sont pensifs ; les femmes, un peu tristes,
Songent à la douceur d’impossibles baisers.

Or il ira, son bras charmant armé du glaive,
Fort de la mission dévolue à ses mains,
Planter la fleur mystérieuse de son rêve,
Afin d’en parfumer à jamais nos chemins.

Il mourra sanglant : car, sachant les lois occultes,
Pour imposer son Verbe au monde, le Héros
Doit ceindre à son beau front la couronne d’insultes
Et livrer sa poitrine à l’acier des bourreaux.

J’arrête la citation : pour bien faire, il eût fallu donner toute la pièce, qui est l’une des plus belles du livre et qui est particulièrement « représenta-