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VICTOR-ÉMILE MICHELET : La Porte d’or.


Je persiste à croire, même après la publication de la Porte d’or, que le Comité de la Société des gens de lettres fut bien inspiré en décernant le prix Sully Prudhomme à M. V.-E. Michelet. On avait mené grand bruit autour de cette décision. N’allait-on pas jusqu’à incriminer tout haut les juges de partialité, tout bas de prévarication ? Les plus modérés affirmaient qu’ils ne s’étaient point tenus dans la lettre des règlements et comme si les règlements étaient faits pour autre chose que pour fournir une occasion de les violer ! Et, comme le lauréat ne se pressait point de publier son livre et mettait je ne sais quelle coquetterie à prolonger l’attente des badauds, de charitables personnes vous glissaient à l’oreille, avec un sourire ambigu : « M. Michelet fait le mort et il a ses raisons pour cela : son livre n’existe pas. »

Or le livre existait et les temporisations de M. Michelet n’étaient que les scrupules d’une âme foncièrement artiste et jalouse de ne rien livrer au public qui ne fût digne de lui être présenté. Et donc le livre parut, et ce fut alors une autre antienne : comment avait-on pu couronner un poète si désordonné, si confus et si obscur, qui fait litière de toutes les règles prosodiques, qui ne se contente point d’emprunter au vocabulaire décadent ; qui y ajoute et qui s’en vante et qui