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Je crois bien, en effet, que Mme Perdriel-Vaissière est parfaitement sincère et ne peint que ce qu’elle a vu ou éprouvé. Le Dr Lejeanne remarque que l’hystérie est très fréquente sur la côte, chez les femmes des marins, et il en trouve l’explication dans l’ébranlement que communiquent au système nerveux les transes continuelles où elles vivent. Telle petite cité maritime, Saint-Malo, Paimpol, aux veilles d’appareillage des Islandais et des Terreneuvas principalement, n’est qu’un grand spasme de frénésie sexuelle, un long sanglot de volupté animale. Les retours de campagne, à Toulon, à Brest, à Rochefort, avec leurs galopades d’hommes ivres par les venelles tortueuses du quartier maritime, ressemblent à des descentes de forbans ou de boucaniers : derrière les portes, hâtivement closes, on devine des enlacements brusques comme des viols, des baisers acres comme des morsures… Minutes inoubliables, qui payent les longues attentes des séparés et dont la frénésie, chez l’aimée, se change en ravissement, en extase, quand, après le vertige des premières étreintes, s’échappe du coffre de l’arrivant le butin amassé en cours de route pour parer la chère idole :

Femmes ou sœurs de ceux qu’emportent les marées,
Là-bas, dans le couchant, vers ces villes dorées
Que le soir échafaude au bord de l’horizon,
Nous voyons revenir, bercée à fond de cale,
Toute la floraison des lointaines escales :
      C’est la toison d’or de Jason.