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Quelle émotion, par exemple, quelle mâle simplicité dans le début de la pièce à Villebois-Mareuil !

Vous, mon beau colonel à la moustache blonde,
Souriant, et le cœur triste jusqu’à la mort,
Vous fîtes vos adieux aux vanités du monde,
Aux lâchetés du monde où les vaincus ont tort.
 
Sous le feutre boër, fils de la vieille France,
Vous courez par instinct aux lieux où l’on se bat :
Mais les cinq galons d’or avec le col garance
Montrent à ces fermiers d’où leur vient ce soldat

Et, selon votre vœu de hautaine amertume :
« Qu’on me laisse dormir où je serai tombé »,
Ils creusent votre fosse où la poudre encor fume.
Dans le sol qu’amollit votre sang absorbé…

Vous saviez que le Fils, à la droite du Père,
Au jour de Josaphat reconnaîtra les siens,
Qu’il n’aura pas besoin des signes de la terre
Pour retrouver les os des chevaliers chrétiens…

Vous êtes la fierté posthume des ancêtres,
Gentilhomme angevin, fleur de nos bataillons,
Qui nous montrez comment on échappe à nos maîtres
Par une route brève et pleine de rayons…

Il faut lire toute la pièce : si elle est encore, par la forme et je ne sais quoi de contracté, de ramassé dans l’accent, la pièce d’un latiniste, elle est aussi la pièce d’un grand poète civique, à qui aucune des joies, aucun des deuils de la patrie ne demeure étranger.

Et, quand on est ce poète-là, on peut bien vraiment tenir pour secondaire l’opinion du « boulevard ».