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L’admirable pièce liminaire ! Ce vers sobre et plein, tant de pensées, de souvenirs, condensés dans une forme si serrée et si pure, que voilà bien en effet l’art latin, un art qui n’a peut-être pas la divine aisance de l’art grec, mais qui a aussi je ne sais quoi de plus grave et de plus viril.

M. Plessis en a comme exprimé la moelle dans les meilleures pièces de la Lampe d’argile et de Vesper. Encore serait-il injuste de ne voir en lui qu’un imitateur des anciens. Nulle poésie n’est peut-être plus éloignée que la sienne du pastiche.

Au fond, ce transfuge de la terre bretonne, ce fils accidentel de la pluvieuse Cézocribates — M. Plessis est né à Brest en 1851 — reproduit à seize siècles de distance l’aventure d’Ausone, de Rutiliuset de saint Paulin : Celte d’origine comme eux, Rome comme eux l’a conquis et naturalisé Romain, lui a fait comme à eux une âme romaine, j’oserai presque dire un parler romain, tant sa langue est restée latine d’expression, de tournure, d’accent. Mais les Latins, au surplus, étaient-ils si différents des Celtes ? L’ancienne Gaule ne descendait-elle pas jusqu’à l’Ombrie ? Virgile n’était-il pas tout imprégné de la mélancolie occidentale ? Et, réciproquement, le naturalisme latin, le vieux culte des éléments et jusqu’aux rites funéraires des contemporains d’Ennius et de Caton ne revivent-ils pas, sous le ciel armoricain, dans les