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sensibilité dans l’autre, en levant une cloison entre les deux. » À toute thèse trop hardie, ils répondent par le peut-être de Rabelais ou le que sais-je ? de Montaigne. Ils se retranchent dans l’inconnaissable. Comte, lui-même, n’évita pas ce travers.

— Mais qu’est-ce que l’inconnaissable ? repartait de plus belle Clemence. Il n’y a d’inconnaissable que ce qui n’existe pas. Ce qui n’a pas d’existence ne peut être un objet de science ; ce que la science ignorera toujours, ce sont toutes les visions individuelles des imaginations humaines, parce qu’il n’en est pas deux qui soient identiques. Brunetière reproche à la science de ne point tout expliquer. Eh ! là, quelle impatience ! Attendez, Monsieur, que la science soit majeure. Elle est si jeune ! Elle a passé ses mois de nourrice en Grèce et s’est endormie quinze cents ans dans les langes de la barbarie. Elle s’est réveillée et ne commence à balbutier que depuis trois siècles. Mais, si ses affirmations sont bien incomplètes, ce qu’elle nie forme un système cohérent absolument certain, ou plutôt l’élimination de tout ce qu’elle nie constitue un ensemble de connaissances suffisant pour éclairer notre route dans la vie. Car, de la façon dont l’humanité a été enseignée jusqu’ici, elle doit d’abord désapprendre pour pouvoir apprendre ensuite…

Que j’aimerais répondre à Mme Royer, si je n’avais éprouvé depuis longtemps la vanité des