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dans leurs bras et lui faisaient mettre le feu aux mèches. L’enfant perdit une oreille à ce jeu, mais la femme que devint cette enfant n’a jamais eu peur…

Avec des ascendants pareils, comment Clémence n’eût-elle pas été brave jusqu’à la témérité ? Sa bravoure fut d’un autre ordre sans doute et exclusivement intellectuelle. Il semble, d’ailleurs, que cette transposition ne l’ait satisfaite qu’à moitié et elle nous confia un jour son regret de n’avoir pas été créée pour l’action. En bonne darwiniste, elle attribuait ce méchef à sa grand’mère, qui était une Hollandaise de Flessingue.

— J’ai toujours soupçonné mon grand-père de l’avoir enlevée, nous disait-elle. Chez les marins de ce temps-là, il restait encore du pirate. Or, ma grand’mère était fort belle. Je n’ai pas hérité d’elle à cet égard. Comme une méchante fée, elle m’a donné seulement ce qu’elle avait de mauvais. Le quarteron de sang hollandais qu’elle m’a transmis, à travers les veines de ma mère, a ralenti le cours du mien, a emprisonné dans un corps anémique mon esprit ardent, a fait de moi une timide qui rêve de combats, mais ne peut donner qu’en pensée les grands coups d’épée de Jeanne de Montfort. C’est dommage. Car, pour le reste de ma nature, je me sens bien de la race de ces entêtés Malouins qui se nommaient Duguay-Trouin, Maupertuis, Lamettrie, Chateaubriand, Lamennais, tous si différents par l’esprit et si semblables par le tempérament…