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La certitude ! On peut sourire de qui croit la posséder. C’est elle pourtant qui a donné à la vieillesse de Clémence Rojer cette sérénité qui la fit ressembler à un beau soir. Dans sa cellule de l’asile Galignani, on la trouvait à toute heure devant sa table de travail qui épanchait sur le papier ses inoffensives rêveries de sociologue humanitaire. Elle croyait au pouvoir souverain de la raison et à la perfectibilité indéfinie de l’espèce. Sa plume n’avait jamais une hésitation. L’excellente femme était sans doute parfaitement étrangère à nos scrupules de mandarins ; elle ignorait les « affres » de l’écriture artiste ; elle n’avait aucune peine à formuler sa pensée, parce qu’aucune considération, disait-elle, ne la retenait que le souci du vrai. Et c’est en quoi elle se sentait Bretonne et même — elle y insistait — Malouine.

Elle était pourtant née à Nantes, mais par hasard. Son père, sa mère étaient de Saint-Malo ; son grand-père avait été corsaire avant de devenir capitaine de frégate. Pris par un bâtiment anglais, il s’évada sur la chaloupe du bord et fit cap vers la Rance. Napoléon, qui se connaissait en hommes, l’avait décoré. Il mourut commandant du port de Brest où sa fille, disait-il plaisamment, avait été « lancée à l’eau ». Les jours de fête, le vieux marin l’emmenait sur les grands vaisseaux pavoisés, à la poupe toute dorée. Les canonniers la prenaient