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trois lieues de Saint-Pol-de-Léon, loin des grandes routes, derrière un rideau de futaies, Kerjean s’élève, solitaire et magnifique, dans la commune finistérienne de Saint-Vougay.

Tous les touristes le connaissent pourtant et ceux qui n’ont pas eu l’heur d’y être reçus ont pu, tout au moins, admirer de l’esplanade son massif rempart de six mètres d’épaisseur, baigné de douves profondes et flanqué aux quatre angles de bastions carrés et crénelés « avec meurtrières à feu de sape, rasant et plongeant sur toutes les faces. » Cette enceinte, unique de son espèce et faite pour recevoir une solide artillerie — qu’on lui enleva sous la Révolution[1] —, ne mesure pas moins de 250 mètres de long sur 150 de large. Une faible partie seulement du vaste espace ainsi embrassé est à ciel ouvert : il y avait là ce qu’on appelle en Bretagne un liorz, un jardin intérieur et familial ; tout le reste est occupé par des édifices qui couvrent, d’après certains calculs, une superficie d’un hectare soixante ares. Pour trouver un ensemble architectural ayant ces proportions, il faut sortir de la province et pousser jusqu’à Versailles : d’où le nom de « Versailles breton » donné à Kerjean, bien que rien n’y rappelle le chef-

  1. Je lis cependant sur une fiche manuscrite de M. Le Guennec : « En 1791, on fouilla Kerjean pour y saisir des armes, mais on n’y trouva qu’un couteau et trois fusils de chasse qu’on dut restituer en présence des réclamations de M. Le Tersec, fondé de pouvoirs des dames de Coatanscour. Les canons que Fréminville dit avoir été conduits de Kerjean à Lesneven provenaient du château de Kerno. »