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gras, ce terreau-là, que ça n’a jamais besoin de se reposer ; c’est également bon pour la luzerne, les plantes à graine et les légumes, choux-fleurs, oignons, artichauts, échalottes, asperges de primeur surtout… J’ai connu un Anglais qui est venu ici, il y a vingt-cinq ans, avec deux bidets et une carriole : il a loué quelques pieds carrés de polders et s’est mis à « faire » de l’asperge qu’il allait lui-même expédier au train de Pontorson tous les matins ; il a maintenant ses 20,000 livres de rentes.

Ajoutez que la main-d’œuvre est à très bon marché dans toute cette région : un ouvrier agricole ne se paie guère plus de trente-cinq sous par jour, non nourri. L’élevage du bétail, qui est superbe, des moutons (les fameux prés-salés), des oies, etc., pour ne venir qu’au second rang, donne un rendement très supérieur à celui des fermes ordinaires. Enfin, l’horizontalité du pays facilite les charrois et la culture elle-même, qui peut recourir, comme dans la Beauce, aux instruments perfectionnés.

Tant d’avantages, qui expliquent les hauts prix qu’atteint l’hectare de polders, expliquent aussi que les concessionnaires de ces polders se soucient assez peu, pour des raisons d’esthétique, de renoncer à leur privilège. Et tous les vœux du monde n’y feront rien. La Compagnie a le droit de s’étendre jusqu’à la Chapelle-Saint-Hubert ; elle usera de son droit — ou l’on plaidera.

Et l’État perdra, soyez-en sûrs.