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cède, par surcroît de précaution, un piéton chargé de sonder les « lises ».

On appelle ainsi des bancs de sables mouvants, formés par des dépôts d’eau ou des courants souterrains. À sec, par temps clair, il est assez aisé de les distinguer, car les parties solides de la grève ou « paumelles » sont sillonnées de grandes rides régulières qu’y trace le reflux ; les lises, au contraire, sont unies, et leur teinte est ordinairement plus terne que celle des paumelles. Mais il en est qu’on ne voit pas, cachées qu’elles sont sous la tranquille surface des rivières qui baguenaudent par la baie. Seul un homme du pays peut s’y reconnaître.

Les gués les plus sûrs sont généralement ceux où la rivière « étaldit », c’est-à-dire élargit son lit et coule presque à fleur de sable. Encore est-il prudent de tâter le terrain devant soi à l’aide d’un bâton. Certaines lises ont la fluidité de l’eau, et un objet y est aussitôt englouti que jeté ; d’autres — qui ne sont peut-être pas les moins dangereuses — présentent quelque consistance ; mais, si l’on se fie à leur élasticité relative et qu’on pousse plus avant, on est perdu. Les pieds s’engluent peu à peu. On fait effort pour les dégager, et l’on ne réussit qu’à les enfoncer davantage. Les yeux se troublent ; les oreilles s’emplissent de bourdonnements… Est-ce votre corps qui descend ou le sable qui monte ? Lentement la lise aspire sa victime : les genoux, le haut des jambes, le buste, disparaissent successivement. Le sable