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large. Là où se déposaient ces éléments de colmatage, le sol de la baie s’exhaussait insensiblement ; la salicorne y enfonçait la première ses vrilles amphibies. Puis, le sol continuant son lent mouvement d’ascension, l’agrostis maritima prenait la place de la salicorne : elle feutrait la dune de son gazon fin, aromatique et serré. C’était la période de l’herbu ou pré-salé. Libre encore, recevant aux marées de syzygie la salubre caresse du flot marin, l’herbu ne tentait que les moutons qui lui empruntaient une saveur de chair bien connue des gourmets ; on ne l’enclosait que plus tard, quand on le jugeait propre à la culture. Mais, devant qu’on n’en fût là, il fallait de longues années, parce que le colmatage de la baie était continuellement dérangé par le déplacement des chenaux du Couesnon, de la Sée, de la Sélune, de l’Hordée, etc., petits fleuves lunatiques et capricieux, au demeurant les meilleurs gardiens de l’intégrité du Mont et qu’il eût fallu s’interdire soigneusement de fixer par une canalisation quelconque.

Le jour que la Compagnie des Polders de l’Ouest eut réussi à persuader aux pouvoirs publics que cette canalisation s’imposait « dans l’intérêt général » et que les pouvoirs publics furent tombés dans le piège (25 juin 1874), ce jour-là — et ce jour-là seulement — fût décrétée implicitement la mort du Mont-Saint-Michel : en échange de la canalisation du Couesnon, dont la Compagnie prenait « généreusement » la charge, l’État, bon